La notion de responsabilité est intrinsèque à l’ordre juridique et social. Bien qu’il n’existe pas à proprement parler de définition de la responsabilité dans les textes légaux, il s’agit d’une des notions fondamentales en droit. Elle est l’expression de la nécessité pour chaque individu ou entité de répondre de ses actes. Elle assure l’équilibre entre liberté individuelle et respect de l’intérêt collectif.
La responsabilité juridique prend tout son sens en présence d’un préjudice causé. C’est le rôle du droit d’intervenir pour établir une réparation ou bien une sanction.
La définition de la responsabilité est multiple. En effet, on dénombre quatre responsabilités dont chacune dispose de sa propre définition. Nous explorerons donc les définitions de la responsabilité civile (contractuelle et délictuelle), la définition de la responsabilité pénale et la définition de la responsabilité administrative. Il s’agit donc d’un concept qui s’étend au-delà des frontières du droit strictement civil pour imprégner les sphères pénale et administrative, formant ainsi un triptyque fondamental de la cohésion sociale.
En tant qu’instrument de régulation sociale, la responsabilité est le reflet des valeurs et des principes qui guident le fonctionnement de notre société.
Nota : En plus de la définition de chaque responsabilité, vous trouverez ci-dessous quelques arrêts emblématiques liés à la responsabilité.
La responsabilité civile
Définition de la responsabilité civile délictuelle et contractuelle
Le Code civil définit en ses articles 1240 et suivants la responsabilité civile. Elle s’articule autour de la nécessité de réparer le dommage causé à autrui. Ce dommage pouvant résulter d’un acte volontaire ou bien d’une négligence. On distingue la responsabilité civile contractuelle de la responsabilité civile délictuelle :
- Elle est contractuelle en cas de rupture ou de mauvaise exécution d’un contrat
- Elle est délictuelle lorsque le dommage cause un dommage sans contrat établi entre le dommageur et la victime
Arrêts emblématiques de la responsabilité civile
Responsabilité civile contractuelle
Arrêt Canal de Craponne (Cass. civ., 4 mars 1876)
Litige en question : L’arrêt du Canal de Craponne est un jalon historique de la jurisprudence française. Il porte sur un litige centenaire concernant l’utilisation et l’entretien d’un canal d’irrigation en Provence.
Les agriculteurs utilisateurs du canal contestaient leur obligation de contribuer financièrement à son entretien. Ils invoquent l’absence d’un accord formel écrit.
Problème juridique posé : La Cour de cassation était confrontée à la reconnaissance de la validité d’un contrat non écrit. Ce contrat était pourtant observé de manière coutumière et ininterrompue sur une longue durée. La difficulté résidait dans la qualification juridique des obligations qui en découlaient.
Dispositif retenu : La Cour a affirmé que les pratiques et l’exécution coutumière d’accords peuvent créer des obligations contractuelles. Y compris en l’absence d’écrit, établissant ainsi un précédent en faveur du respect des usages locaux comme source de droit. (Référence : Bulletin des arrêts de la Cour de cassation, Chambres civiles, 1876, I, n°83)
Arrêt Chronopost (Cass. com., 22 octobre 1996)
Litige en question : L’arrêt Chronopost traite de la question des engagements pris par cette entreprise de livraison rapide. Ceux-ci garantissant notamment des délais stricts de livraison, essentiels à l’activité commerciale de ses clients.
Problème juridique posé : La Cour de cassation devait déterminer dans quelle mesure une entreprise peut limiter sa responsabilité pour manquement à ses engagements contractuels essentiels. Notamment en cas d’une mise en avant spécifique dans le contrat.
Dispositif retenu : La Cour de cassation a jugé que les clauses limitatives de responsabilité peuvent ne pas être valables. C’est donc le cas lorsqu’elles restreignent la réparation pour les fautes lourdes ou les manquements à des obligations essentielles du contrat.
Cette décision a souligné l’importance de la bonne foi. Mais aussi de l’exécution des obligations contractuelles fondamentales. (Référence : Bulletin des arrêts de la Cour de cassation, Chambres commerciales, 1996, IV, n°172)
Responsabilité civile délictuelle
Arrêt Perruche (Cass. Ass. Plén., 17 novembre 2000)
Litige en question : L’arrêt Perruche a abordé le cas douloureux et complexe d’un enfant né avec des handicaps sévères. Ces handicaps résultant d’une rubéole contractée par la mère pendant sa grossesse. Maladie non détectée par les médecins en raison d’erreurs de diagnostic.
Problème juridique posé : Le débat juridique se centra sur la reconnaissance et la réparation du préjudice né de l’erreur de diagnostic. Notamment le droit à réparation pour un enfant pour le seul fait de naître handicapé à la suite d’une erreur médicale.
Dispositif retenu : La décision emblématique de la Cour a admis le principe de la réparation pour le préjudice d’être né.
L’arrêt a eu un impact considérable sur le droit médical et la responsabilité civile en France. Il a déclenché une réflexion législative approfondie. Cette réflexion a abouti à la loi du 4 mars 2002. (Référence : Bulletin des arrêts de la Cour de cassation, Assemblée plénière, 2000, n°9)
Arrêt Blieck (Cass. ass. plén., 29 mars 1991)
Litige en question : L’affaire impliquait un groupe d’enfants en situation de handicap. Encadrés par une association lors d’une sortie en forêt, l’un d’entre eux avait déclenché un incendie, causant des dommages importants à un tiers.
Problème juridique posé : La responsabilité de l’association était remise en question. En effet, elle était garante de la sécurité et de la surveillance des enfants handicapés. Il s’agissait donc d’évaluer dans quelle mesure l’association devait répondre des actes dommageables causés par ceux-ci sous sa supervision.
Dispositif retenu : L’arrêt a consacré la théorie de la responsabilité du fait d’autrui. En effet, la Cour de cassation réunie en Assemblée plénière a décidé que l’association était responsable des dommages causés par la personne handicapée sous sa garde en l’absence de faute personnelle de cette dernière.
Cette décision a renforcé la notion de responsabilité pour autrui dans le droit français. (Référence : Bulletin des arrêts de la Cour de cassation, Assemblée plénière, 1991, n°4)
La responsabilité pénale
Définition de la responsabilité pénale
La responsabilité pénale est liée à la commission d’une infraction, qu’elle soit intentionnelle, telle qu’un acte de vol ou de meurtre, ou non intentionnelle, comme un accident de la route dû à une négligence. Elle est régie par le Code pénal.
La responsabilité pénale vise l’équilibre entre la liberté individuelle et la nécessité de protéger la société.
Arrêts emblématiques de la responsabilité pénale
Affaire du sang contaminé (Cour de Justice de la République, 1999)
Litige en question : L’affaire a émergé à la suite de la contamination par le virus du VIH de plusieurs patients. Ceux-ci ayant reçu des transfusions sanguines dans les années 1980. Le scandale a pris de l’ampleur par la suite.
En effet, des preuves ont suggéré que les autorités sanitaires et politiques auraient pu éviter la propagation du virus.
Problème juridique posé : L’enjeu était de déterminer la responsabilité pénale individuelle des fonctionnaires et élus. D’une part pour négligence, mais aussi pour manquement à leur devoir de protection de la santé publique.
Dispositif retenu : Les jugements ont abouti à la condamnation de plusieurs hauts responsables pour leur rôle dans la gestion de la crise. Ils ont consacré la responsabilité pénale des décideurs publics dans l’exercice de leurs fonctions.
Ces décisions ont été des cas de figure sans précédent concernant la responsabilité pénale pour des actions gouvernementales liées à la santé publique. (Référence : CJR, Arrêt n°1, 9 mars 1999)
Affaire Outreau (Cour d’assises de Paris, 2004-2005)
Litige en question : Cette affaire a impliqué de fausses accusations d’abus sexuels sur des enfants, résultant en la mise en examen et la détention provisoire de plusieurs personnes sur la base de preuves et de témoignages par la suite discrédités.
Problème juridique posé : Le procès a soulevé des questions cruciales sur la validité du système judiciaire, les méthodes d’enquête, et l’intégrité des procédures pénales, notamment concernant la fiabilité des accusations et la protection des droits des accusés.
Dispositif retenu : La série de procès a abouti à l’acquittement de la plupart des accusés. Elle fut suivi d’une réforme judiciaire. Cette réforme eut pour but de renforcer les droits de la défense et à prévenir de telles erreurs judiciaires à l’avenir. (Référence : Cour d’assises de Paris, Arrêt n° 2005-XX)
La responsabilité administrative
Définition de la responsabilité administrative
La responsabilité administrative se distingue par son application aux actes des administrations publiques et à leurs agents. Elle se caractérise par la réparation d’un préjudice causé par le fonctionnement de l’administration, qu’il résulte d’une faute de service ou d’une faute personnelle de l’agent.
Arrêts emblématiques de la responsabilité administrative
Arrêt Blanco (Tribunal des conflits, 8 février 1873)
Litige en question : L’arrêt Blanco est considéré comme le fondement du droit administratif français, établissant la responsabilité de l’État indépendamment du droit civil.
Agathe Blanco, une jeune fille, est blessée par un wagon appartenant à une manufacture de tabac d’État.
Problème juridique posé : Le débat central était de savoir si les tribunaux ordinaires étaient compétents pour juger les litiges impliquant l’administration et ses ouvrages publics, ou si une juridiction administrative spécifique devait être établie.
Dispositif retenu : Le Tribunal des conflits a décidé que ces affaires relèvent de la juridiction administrative. Il a alors posé les bases de la responsabilité administrative distincte de la responsabilité civile générale. Menant ainsi à la création d’un système juridictionnel administratif autonome. (Référence : TC, 1873, n° 0001)
Affaire du Médiator (Conseil d’État, 2014)
Litige en question : Ce contentieux concernait les effets secondaires graves du médicament Médiator. Prescrit pour le traitement du diabète mais aussi de l’excès de poids, il fut lié à de sérieux troubles cardiaques entraînant la mort de nombreux patients.
Problème juridique posé : La question portait sur la faute de l’agence de régulation des médicaments. En effet, celle-ci n’avait pas retiré le médicament du marché malgré les preuves de sa dangerosité.
Dispositif retenu : Le Conseil d’État a confirmé la responsabilité de l’État pour le défaut de surveillance, mais aussi d’action rapide face au risque connu. Entraînant une indemnisation des victimes et la réforme des procédures de contrôle des médicaments. (Référence : CE, 2014, n° 360019)