back to top
EconomieEconomie contemporaineJO Paris 2024 : le budget pour la Seine boit la tasse

JO Paris 2024 : le budget pour la Seine boit la tasse

À quelques semaines des Jeux Olympiques de Paris en 2024, la Seine, mythique artère de la capitale française, se trouve au cœur d’un débat intense. Le projet de rendre ce fleuve historique baignable, intitulé « Plan Qualité de l’Eau et Baignade », représente bien plus qu’une initiative écologique. En effet, il soulève une question cruciale : pourquoi la Seine pour les JO Paris 2024, parmi toutes les options possibles ?

Alors que la France regorge de plus de 250 000 cours d’eau, les autorités ont opté pour l’assainissement de la Seine. Un choix qui interroge tant par son ambition que par son coût.

Mais que diable allait-il faire dans cette galère ? se serait dit Géronte (Les Fourberies de Scapin, Molière). En effet, ce choix pour le moins audacieux, loin de faire l’unanimité, met en lumière une certaine vision politique et économique, engageant une somme colossale dans un défi historique pour la capitale française. Ce qui renchérit considérablement le coût des JO Paris 2024.

JO Paris 2024 : pourquoi tant de Seine ?

Les plus de 250 000 cours d’eau qui hydratent la France doivent être dans un bien triste état pour considérer que l’assainissement de la Seine est la seule solution possible. Plutôt que de délocaliser ces disciplines dans des sites existants comme la Défense Arena (utilisé pour les épreuves de natation) ou Tahiti (utilisé pour les épreuves de surf), les autorités font le curieux choix de la Seine.

Un pari risqué, sauf si, comme aurait pu le dire Arthur Laffer, « trop de choix tue le choix« . Obligeant les organisateurs à préférer une « troisième voie » impraticable en l’état, qu’il va donc falloir débroussailler. À moins qu’opter pour des solutions plus simples et naturelles, utilisant des infrastructures déjà en place, soit perçue comme trop facile et donc sans ambition ?

Un défi historique pour les Jeux Olympiques de Paris 2024

La (dé)pollution de la Seine fait partie des serpents de mer qui agitent la politique parisienne depuis des décennies.

La baignade était autorisée au début du XXème siècle. Les autorités l’interdisent en 1923 en raison de la mauvaise qualité de l’eau. Les Parisiens continueront néanmoins à se baigner dans les eaux du fleuves (illégalement) jusque dans les années 1950.

Dans le cadre de la présentation de son plan « Bien vivre à Paris », Jacques Chirac déclare le 28 novembre 1988 :

Dans cinq ans, on pourra à nouveau se baigner dans la Seine. Et je serai le premier à le faire !

Jacques Chirac, 28 novembre 1988

Le 15 mai 1990, le même Jacques Chirac récidive :

« Dans la Seine, la variété des espèces est en constante augmentation. Au dernier recensement, plus de 25 poissons différents trouvaient des conditions de vie adéquates dans la Seine… Voilà pourquoi j’affirme qu’on peut rendre un fleuve propre, et j’ai d’ailleurs indiqué que dans trois ans, j’irai me baigner dans la Seine devant témoins pour prouver que la Seine est devenue un fleuve propre « .

Jacques Chirac, Maire de Paris, (FR3, « La Marche du Siècle » du 15 mai 1990)

En réalité, le nombre de poissons était de l’ordre de 10 à 15 dans les années 1990. Mais voilà : de baignade il n’y a point eu. Celui qui était alors Maire de Paris a sans doute dû considérer que sa santé valait davantage que sa parole. On peut le comprendre au vu des tonnes d’eau déversées à haute fréquence par les usines automobiles ou pétrochimiques, les terres céréalières chargées de pesticides ou encore les centrales thermiques ou nucléaires… 

Ces dernières années, force est de constater que la situation est en net progrès. Notamment au prix d’un effort sans précédent grâce aux fonds engagés par le plan Baignade. Selon le SIAAP (Syndicat Interdépartemental pour l’Assainissement de l’Agglomération Parisiennes), ce sont 34 espèces différentes qui nagent dans la Seine aujourd’hui.

Néanmoins, le risque de contamination microbiologique demeure irrésolu. Au-delà de repeupler la Seine d’espèces aquatiques, il serait temps de s’attaquer à l’empire bactériologique. 

Un budget exorbitant

En 2016, alors que Paris dispose déjà d’un réseau de 42 piscines municipales, les acteurs du territoire de la métropole parisienne ont pourtant jugé bon de lancer un ambitieux « Plan Qualité de l’Eau et Baignade ».

Ce plan vise à créer 23 sites de baignade dans la Seine d’ici 2025. Le prix ? 1,4 milliards d’euros ! Un pari osé et coûteux, qui soulève de légitimes interrogations. Ne valait-il pas mieux plutôt concentrer ces investissements colossaux sur l’entretien et la modernisation du réseau existant de piscines parisiennes ?

Non, les pouvoirs publics ont choisi de s’attaquer de front à la pollution de la Seine, un défi historique pour la capitale. C’est tout à leur l’honneur certes, mais à quel prix ?

Les résultats obtenus jusqu’à présent semblent mitigés. Par conséquent, on peut légitimement s’interroger sur l’efficacité et la pertinence de cet investissement colossal. D’autant plus dans un contexte de contraintes budgétaires.

Le budget alloué à la dépollution de la Seine représente donc 1,4 milliards d’euros. Mais ce montant correspond au seul « plan Baignade spécial JO Paris 2024 ». Car bien sûr, ce montant ne tient pas compte de toutes les actions déjà existantes pour réduire la pollution des eaux usées (industrielles, domestiques ou pluviales).

Depuis des décennies, diverses mesures ont certes été prises pour améliorer la qualité de l’eau. C’est toutefois la perspective des JO Paris 2024 qui a véritablement catalysé les efforts. Doté d’un budget aussi égal à 1,4 milliards (cette fois par an), le SIAAP œuvre chaque jour à l’assainissement de la région via tout un système :

Ce système repose sur 6 usines de dépollution, 5 usines de prétraitement et 472 kilomètres de réseaux pour le transport des eaux jusqu’aux stations d’épuration.

Rapport d’activité et de développement durable 2022, SIAAP

Certes la perspective d’avoir un fleuve dépollué est réjouissante d’un point de vue écologique. Mais des associations s’alarment de l’absence de résultats concernant l’aspect bactériologique. 

Des coûts faramineux pour des résultats discutables

Bien que ce budget soit colossal, les résultats obtenus jusqu’à présent laissent perplexe. Et ils ont de quoi laisser non seulement les Parisiens, mais aussi les Français, sur leur soif, tant les enjeux économiques et écologiques de ce projet semblent discutables.

En témoigne l’article de Reporterre – qui se définit comme étant « Le média de l’écologie » -, « Rendre la Seine baignable : un projet pas si écolo« . Le même media rapporte, concernant l’état microbiologique du fleuve, les résultats de l’étude réalisée par la Surfrider foundation :

Sur les 14 prélèvements, réalisés aussi bien à la suite de fortes pluies que par des journées ensoleillées, seul 1 a permis à notre équipe de conclure à une qualité ne serait-ce que satisfaisante de l’eau de la Seine à cet endroit donné.

Reporterre, JO 2024, pourra-t-on nager dans la Seine ?

Si sur les 14 prélèvements, un seul était satisfaisant, le reste n’était pas passable mais mauvais :

Résultats de l'étude microbiologique de la Seine menée par Surfrider Foundation peu de temps avant les JO Paris 2024
Résultats de l’étude microbiologique de la Seine menée par Surfrider Foundation peu de temps avant les JO Paris 2024

On peut donc légitimement s’interroger sur l’efficacité de ces investissements massifs. D’autant plus au regard des objectifs initiaux de rendre le fleuve baignable pour les Jeux Olympiques. Autant dire une occasion qui ne se renouvellera pas de sitôt.

Certains écologistes remettent même en cause la pertinence de ce projet, le jugeant trop coûteux et pas assez écologique.

Bref, la dépollution de la Seine n’a pas fini de faire couler de l’encre…