Selon le Larousse, la grève est « la cessation collective et concertée du travail en vue d’appuyer des revendications professionnelles dont l’employeur a connaissance« . Étymologiquement, elle tire son nom de la place de Grève, à Paris, où les ouvriers se réunissaient pour se faire embaucher. Cette place est aujourd’hui devenue la place de l’Hôtel de Ville. Historiquement, la grève est indissociable du droit syndical. En effet, du fait de son aspect collectif, les syndicats en sont quasi systématiquement les initiateurs.
Historique du droit de grève
La loi Le Chapelier : une interdiction de tout groupement professionnel
Sous la Révolution Française, Isaac Le Chapelier, président de l’Assemblée Nationale, fait adopter la loi qui porte son nom le 14 juin 1791. Cette loi interdit alors tout groupement professionnel. C’est donc la fin des guildes, des corporations, des groupements d’intérêt particulier. Sous le Second Empire, Napoléon renforce cette loi Le Chapelier par la loi du 12 avril 1803 sur la réglementation du travail dans les manufactures et les ateliers. Elle réaffirme alors l’interdiction des coalitions ouvrières.
Un délit de coalition dans le Code pénal de 1810
Quelques années plus tard, en 1810, l’on retrouve le délit de coalition dans le Code pénal de Napoléon Bonaparte dans ses articles 414 (côté employeur) et 415 (côté ouvrier) :
Toute coalition entre ceux qui font travailler des ouvriers, tendant à forcer injustement et abusivement l’abaissement des salaires, suivie d’une tentative ou d’un commencement d’exécution, sera punie d’un emprisonnement de six jours à un mois, et d’une amende de deux cents francs à trois mille francs.
Toute coalition de la part des ouvriers pour faire cesser en même temps de travailler, interdire le travail dans un atelier, empêcher de s’y rendre et d’y rester avant ou après de certaines heures, et en général pour suspendre, empêcher, enchérir les travaux, s’il y a eu tentative ou commencement d’exécution, sera punie d’un emprisonnement d’un mois au moins et de trois mois au plus.
Les chefs ou moteurs seront punis d’un emprisonnement de deux ans à cinq ans.
Article 415 du Code pénal de 1810
La loi Ollivier de 1864 : vers l’abrogation de la loi Le Chapelier
C’est sous un autre Napoléon, Napoléon III, que les choses changent. Sous son impulsion, la loi Ollivier du 25 mai 1864 a pour but d’abroger la loi Le Chapelier. Cette loi Ollivier a pour conséquence de supprimer le délit de coalition. Toutefois, la liberté connaît quelques limites comme le dispose l’article 144 révisé du Code pénal :
Sera puni d’un emprisonnement de six jours à trois ans et d’une amende de 16 fr. à 3 000 fr, ou de l’une de ces deux peines seulement, quiconque, à l’aide de violences, voies de fait, manœuvres frauduleuses, aura amené ou maintenu, tenté d’amener ou de maintenir une cessation concertée de travail, dans le but de forcer la hausse ou la baisse des salaires ou de porter atteinte au libre exercice de l’industrie ou du travail.
Article 144 du Code pénal révisé par la loi Ollivier
La loi Waldeck-Rousseau de 1884 « relative à la création des syndicats professionnels »
Vingt ans après la loi Ollivier, la loi Waldeck-Rousseau du 21 mars 1884 va encore plus loin. Elle autorise en effet la constitution de syndicats professionnels et fixe leur cadre juridique et leurs attributions.
Le droit de grève sacralisé par le préambule de la Constitution de 1946
Le préambule de la Constitution de la IVème République du 27 octobre 1946 consacre le droit de grève. En son alinéa 7 :
Le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent.
Préambule de la Constitution de la IVème République du 27 octobre 1946
Il convient de noter que les lois régissant le droit de grève sont toutefois peu nombreuses. Les sources du droit social à propos de la grève sont donc principalement la doctrine et la jurisprudence.
Droit de grève, vers une reconnaissance internationale ?
L’Organisation Internationale du Travail a publié lors de sa 31ème réunion le 17 juin 1948 sa 87ème convention. En effet, celle-ci se consacre à la liberté syndicale et à la protection du droit syndical. Sans y mentionner le terme de « grève », l’OIT reconnaît tout de même le droit des organisations syndicales (salariales comme patronales) à promouvoir et défendre les intérêts des travailleurs ou des employeurs. Or, la grève est l’une des premiers moyens d’expression des syndicats salariaux pour se faire entendre.
Sans mentionner expressément ce droit, la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, affirme le droit des organisations de travailleurs et d’employeurs – auxquelles elle reconnaît pour but « de promouvoir et de défendre les intérêts des travailleurs ou des employeurs» (art. 10) – « d’organiser leur gestion et leur activité et de formuler leur programme d’action» (art. 3.1) (BIT, 1996b, pp. 14 et 15).
Sur la base de ces dispositions, deux organes du système de contrôle, le Comité de la liberté syndicale (depuis 1952) et la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations (depuis 1959) ont réaffirmé, à maintes reprises, que le droit de grève était un droit fondamental des travailleurs et de leurs organisations et en ont défini le champ, élaborant à ce sujet un ensemble de principes, une vaste jurisprudence (au sens large) qui précisent la portée des normes de la convention. Ces principes ont trouvé une expression très complète dans l’étude d’ensemble sur la liberté syndicale et la négociation collective effectuée par la commission d’experts en 1994 et dans le recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale.
Les principes de l’OIT sur le droit de grève, Bernard Gernigon, Alberto Odero et Horacio Guido, 1998