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Relation d’agence et théorie de l’agence (Jensen et Meckling)

Jensen et Meckling ont développé la « théorie de l’agence ». Celle-ci analyse la relation entre dirigeant et actionnaire comme étant une relation d’agence. Qu’est-ce qu’une relation d’agence ? Quels sont les problèmes soulevés par cette relation ?

Au cœur de la théorie de l’agence : la relation d’agence

Définition

Selon Jensen et Meckling, une relation d’agence apparait :

Lorsqu’une personne (le principal) a recours aux services d’une autre personne (l’agent) en vue d’accomplir en son nom une tâche quelconque entraînant une délégation de décision (relation d’agence).

Cette relation d’agence peut désigner notamment la relation entre les actionnaires, les mandants, et les dirigeants, les mandataires. Elle peut aussi trouver une application dans la relation entre un particulier et son conseiller financier.

Conséquences

Toute délégation repose sur le fait qu’il est plus facile ou approprié que ce soit le mandaté qui agisse plutôt que le mandant. Le mandaté peut en effet avoir par exemple davantage de compétences ou plus généralement d’aptitudes. Toutefois, la relation d’agence met en évidence une opposition des intérêts entre mandaté et mandant, entre l’agent et le principal. En effet, dans le cas du groupe des actionnaires confronté au groupe des dirigeants d’une société :

  • L’actionnaire a pour but de maximiser les bénéfices de la société afin d’obtenir des dividendes plus importants.
  • Le dirigeant souhaite bénéficier du maximum de rémunération et d’avantages divers.

Or, cette situation entraîne un conflit d’intérêts entre actionnaire et dirigeant. Les deux intérêts sont en effet divergents et non pas convergents. Tout l’objectif de la théorie de l’agence est de parvenir à retrouver cette convergence. Les acteurs de la théorie de l’agence sont confrontés à plusieurs problématiques.

Problèmes soulevés par la relation d’agence

L’information dont dispose le principal et celle dont dispose l’agent ne sont pas au même niveau. C’est même parfois voulu. C’est-à-dire que le mandataire arrive à avoir davantage d’informations que le mandaté. Les économistes libéraux basaient leur théorie de la « concurrence pure et parfaite » notamment sur l’information parfaitement répandue et connue. Or, pour être en position de force, l’agent va vouloir conserver pour lui le pouvoir décisionnel qu’il peut tirer de ses informations. De l’autre côté, le principal va pousser l’agent à accomplir son mandat en lui partageant l’information dans sa totalité. En finance d’entreprise, les problèmes posés peuvent se retrouver dans ceux de la relation entre la valeur et l’information.

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Au cœur de la théorie de l'agence : la relation d'agence
Au cœur de la théorie de l’agence : la relation d’agence

 

Problème n°1 : l’aléa moral ou le risque comportemental

Selon la théorie de l’agence, la relation d’agence peut mener à l’aléa moral. L’aléa moral (moral hazard) se produit lorsque l’asymétrie d’informations permet à l’agent d’utiliser à ses propres fins les informations qu’il détient. Comme l’agent ne partage pas ses informations avec le principal, ce dernier ne peut pas constater l’abus (puisque seul l’agent est au courant). L’agent bénéficie d’une rente informationnelle. En effet, l’agent détient pour lui-même de façon exclusive des informations qu’il ne partage pas. Il peut en abuser en sa faveur.

Prenons l’exemple d’un exploitant (agent) et d’un propriétaire (principal). On suppose les hypothèses suivantes :

  • Le principal ne peut pas évaluer directement le travail de son agent.
  • Aucune considération éthique (réputation, perspectives d’avenir, conscience professionnelle) n’est prise en compte.
  • Seuls comptent les revenus de l’un et de l’autre en la matière.

Trois types de contrats sont possibles pour le propriétaire qui peut imposer sa décision :

  • Salariat :
    • Le propriétaire fournit les moyens de productions (matériels, parcelle…) et supporte tous les coûts.
    • Il garde la récolte.
    • Il verse à l’exploitant un salaire, c’est-à-dire une somme fixée ex ante (par avance).
  • Métayage (c’est le système de l’association):
    • Chacun verse une partie des frais.
    • Chacun reçoit une partie de la récolte.
  • Le fermage :
    • L’exploitant supporte tous les risques et tous les coûts.
    • Il conserve la récolte.
    • L’exploitant verse au propriétaire un loyer, c’est-à-dire là encore une somme fixée ex ante.

Pour analyser la situation, trois angles sont à prendre en considération.

  • L’optimisation globale de l’exploitation (la récolte)
  • Le rapport entre ce profit et le revenu de l’exploitant déterminant les efforts de l’exploitant ;
  • Le rapport entre ce profit et le revenu du propriétaire selon les efforts fournis par l’exploitant.

Quelle solution est à privilégier pour le propriétaire ?

Le salariat n’est en aucun cas à privilégier. En effet, l’exploitant n’aurait aucun intérêt à fournir des efforts conséquents étant donné que son revenu a déjà été fixé. La production tend vers zéro. Le propriétaire réalise donc une perte égale au salaire versé.

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Le métayage est une situation intermédiaire dans la mesure où les buts des deux parties en présence sont alignés. Plus l’exploitant fournit d’efforts, plus celui-ci recevra et le propriétaire avec lui. De plus, si les rendements sont décroissants, arrive un moment où un effort de +1 du métayer provoque une augmentation du profit inférieure à +2 (réduction du profit global et donc du profit du propriétaire également), et donc une augmentation du revenu du métayer inférieure à 1. L’aspect positif est que le propriétaire n’a besoin d’aucune information ex ante.

La meilleure solution pour la rentabilité de l’exploitation est celle du fermage car l’exploitant est le créancier résiduel de la récolte. Une fois le loyer versé au propriétaire, le reste de la récolte est pour lui. Cela l’incitera à fournir fournira l’effort qui maximise le produit de la terre. Le profit global est donc supérieur à celui du métayage. Le point important pour le propriétaire est de réussir à connaître le niveau du loyer et il aurait pour cela besoin d’informations ex ante : niveau de récolte, tarif, coûts d’exploitation… Sans ces informations, le propriétaire ne peut qu’imaginer que le tarif du loyer serait supérieur au rendement du métayage. Mais cela ne l’avancera pas vraiment, à moins qu’il ne connaisse le prix de marché du métayage, et encore.

Problème n°2 : l’antisélection

Guy Brousseau définit l’antisélection (adverse selection) comme suit :

Il s’agit en fait de la défiance généralisée qui naît dès lors qu’il n’existe pas un catalogue connu de tous et spécifiant les caractéristiques de tous les biens échangés ou susceptibles de l’être. Les connaissances sur la ‘qualité’ des biens sont alors asymétriquement réparties.

Selon la théorie de l’agence, l’antisélection désigne la situation dans laquelle le principal n’a pas connaissance d’une caractéristique de l’agent qui pourrait avoir un impact sur l’issue de l’accord entre l’agent et lui.

Prenons un exemple dans le domaine de l’assurance. Le principal est l’assureur qui propose un contrat d’assurance complémentaire et facultatif dont il fixe le prix en avance. Il ne peut en effet pas a priori savoir si le souscripteur est un « bon » ou un « mauvais » conducteur. Du côté du client, la souscription du contrat sera d’autant plus intéressante qu’il est mauvais conducteur. En effet, ses indemnisations pourraient être supérieures au tarif qu’il souscrit.

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Dans la population de tous les conducteurs, le risque pour l’assureur est qu’il assure les mauvais conducteurs et peu les bons. D’autant plus que ces derniers pourraient refuser de souscrire ce complément d’assurance facultatif dans la mesure où ils se connaissent bons conducteurs. L’assureur risque de se retrouver dans la situation dans laquelle seuls les mauvais conducteurs dont l’assureur ne voudrait pas vont souscrire (car ils vont lui coûter plus qu’ils ne vont lui rapporter) et pas les bons (alors que ces derniers lui coûteraient moins cher qu’ils ne lui rapporteront).

Problème n°3 : le problème de signal

Le problème de signal (signalling) correspond au revers de la médaille des deux problèmes précédents. L’agent est en possession d’une information privée qu’il souhaiterait communiquer au principal, mais ce dernier n’est pas en mesure de la vérifier. Le problème de signal est que l’agent réellement détenteur de la caractéristique recherchée par le principal ne peut être distingué de celui ne l’a pas ou moins et qui dirait qu’il l’a (car le principal ne pourra vérifier ses dires).

Prenons un exemple dans le domaine du recrutement. Les recruteurs vont rechercher la personne la plus motivée pour avoir le poste, mais ils ne peuvent faire la différence entre une vraie motivation et une motivation de circonstance. Le candidat le plus motivé qui devrait être embauché par le recruteur est face à un problème de signal. Il ne connaît que sa propre motivation et est incapable de mesurer celle des autres. 

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