Les travaux de Frank Bunker Gilbreth et Harrington Emerson en matière de contrôle de gestion ont abouti à la méthode de calcul des coûts complets par les centres d’analyse (autrement appelée méthode des coûts complets). Cette méthode des coûts complets permet de se faire une première idée des coûts, mais elle n’est pas sans limites. Quelles sont ces limites de la méthode des coûts complets par les centres d’analyse ?
Des limites dans le calcul des coûts complets concernant les coûts indirects
Une mauvaise répartition des coûts indirects ?
Des coûts difficilement imputables
Les coûts indirects représentent (notamment) les frais généraux de l’entreprise. Ces frais sont difficilement imputables à un produit ou service spécifique. De ce fait, leur répartition peut être discutable. Il existe en effet une grande diversité de facteurs de ces coûts indirects. Par exemple, le volume de production ou le nombre de produits différents, mais aussi le type de clients avec lesquels l’entreprise travaille.
Des coûts dont les estimations sont difficiles et les hypothèses discutables
Les coûts attribués aux centres d’analyse sont souvent le fruit d’estimations et d’approximation. Les coûts réels peuvent en effet s’avérer bien différents de ces estimations. La précision des coûts complets s’en retrouve donc amoindrie.
Une méthode hors-sol ?
Aussi incroyable que cela puisse paraître, la méthode des centres d’analyse ne tient pas compte des fluctuations de la demande. Ainsi, la méthode des coûts complets suppose que les coûts indirects sont fixes dans le temps. Ainsi, ils ne varieraient pas en fonction des fluctuations de l’activité de l’entreprise. Ce qui est tout simplement faux pour certains d’entre eux. Prenons l’exemple des coûts de maintenance. Leur volume varie en fonction de l’activité, malgré cela, la méthode des coûts complets les considère comme fixes. D’autre part, cette méthode suppose que les coûts indirects sont proportionnels aux heures de travail ou à la quantité produite. Cela ne tient pas compte des variations de la demande. En effet, ces variations peuvent entraîner des coûts indirects supplémentaires. Par exemple, des heures supplémentaires ou bien encore des coûts de stockage.
Des limites dans le calcul des coûts complets concernant son utilisation
Une méthode complexe à appliquer
La méthode des centres d’analyse pour le calcul des coûts complets nécessite une collecte et une analyse détaillée des coûts indirects associés à chaque centre d’analyse. Cela peut représenter une tâche longue et fastidieuse. Ainsi, ces données peuvent être difficiles à obtenir en raison de l’absence de lien direct avec les produits ou services. La collecte et l’analyse des données de coûts indirects peuvent alors nécessiter l’utilisation de ressources supplémentaires. L’entreprise doit avoir un système d’information disposant d’outils de collecte de données (par exemple pour mesurer le temps de travail), de logiciels d’analyse et d’employés dédiés à la tâche. Avec à la clé des coûts supplémentaires pour l’entreprise. Des limites à prendre en compte pour l’application de cette méthode dans les petites entreprises ou celles qui ont des ressources limitées.
Une méthode de répartition discutable
Plusieurs centres d’analyse peuvent partager des mêmes coûts, d’où une problématique de répartition de ces coûts. Ainsi, la méthode des centres d’analyse exige une répartition appropriée des coûts indirects entre les centres d’analyse. Cette répartition se base sur des hypothèses. Par exemple, le niveau d’utilisation du centre d’analyse ou la proportion de coûts indirects associés à chaque centre. Si ces hypothèses ne sont pas correctes, les coûts indirects peuvent être mal attribués aux centres d’analyse. Le calcul des coûts est alors faussé.
Enfin, la collecte de données détaillées sur les coûts peut être une tâche fastidieuse pour les employés, qui peuvent être plus efficaces s’ils se concentrent sur d’autres tâches plus directement liées à la production ou à la prestation de services. La méthode des centres d’analyse peut donc nécessiter des ressources en temps et en personnel supplémentaires, ce qui peut être un frein à l’utilisation de cette méthode de calcul des coûts complets.
Les limites des clés de répartition de la méthode des coûts complets
Des critères de choix discutables
Les clés de répartition des charges indirectes sont une autre limite de la méthode des coûts complets. Le plus souvent, il s’agit du temps passé sur une activité, du nombre de pièces produites, du nombre d’heures de machine,… Mais la question de la pertinence de ces indicateurs pour toutes les activités ou pour tous les produits. En effet, de nombreux facteurs différents peuvent influencer les coûts indirects (et non pas juste un).
Par exemple, si une entreprise produit des meubles sur mesure, il est difficile de déterminer une clé de répartition appropriée pour les coûts indirects liés à la conception et à la planification. Dans ce cas, il est possible que l’entreprise utilise une clé de répartition arbitraire qui ne reflète pas la réalité. Cette difficulté peut conduire à une mauvaise répartition des coûts indirects et affecter la précision des coûts complets.
Des erreurs possibles dans le choix des clés de répartition
Dans l’hypothèse où le choix des clés de répartition n’est pas pertinent, cela peut entraîner des erreurs importantes dans le calcul des coûts des produits ou services. Par exemple, une entreprise peut utiliser le nombre de pièces produites comme clé de répartition. Si l’on s’intéresse à l’électricité consommée, cela peut sous-estimer les coûts pour les produits qui nécessitent plus d’électricité pour leur production.
Des limites surtout liées à la subjectivité
Des facteurs subjectifs peuvent influencer le choix des clés de répartition. Celles-ci peuvent être le fruit de préférences personnelles, d’une information disponible limitée ou carrément de pressions de la direction. La littérature managériale concernant les sources du pouvoir dans l’organisation est abondante en la matière. L’entreprise est une coalition politique, comme le démontrent Cyert et March, au sein de laquelle se déroulent des jeux de pouvoir (Michel Crozier). Cette subjectivité et cette lutte pour le pouvoir et l’autorité peuvent conduire à des incohérences dans l’allocation des coûts indirects entre les produits ou services et par conséquent affecter la prise de décision.